Partie 2 - L'offensive d'Artois et les forêts d'Argonne

René de Pierrepont dans la grande guerre

lundi 11 juin 2007, par Nicolas Stephant

1915 - René De Pierrepont devient un soldat aguerri dans les tranchées du labyrinthe.

"Roclincourt-Labyrinthe ces deux mots tragiques évoquent aux yeux des vieux combattants le souvenir de l’immense charnier, des odeurs épouvantables, des parapets de cadavres, des mines engloutissant des sections entières". [1]

Les tranchées du LabyrintheEn Mai 1915, une nouvelle offensive d’envergure est décidée dans le secteur d’Artois autant pour tenter de percer le front allemand, si c’est possible, que pour fixer un maximum de troupes ennemis dans le secteur et soulager d’autant l’armée russe et l’armée italienne qui se mobilisent. C’est la bataille d’Artois qui commence et le régiment de René doit monter au Nord d’Arras pour former l’aile droite de l’attaque. Il s’agit de prendre un ouvrage formidable de tranchées et de boyaux qui s’étend entre Neuville Saint Vaast et Roclincourt ; des kilomètres de boyaux et d’ouvrages bétonnés, des canons sous des coupoles et des nids de mitrailleuses tous les 25m. Dans un premier temps de l’attaque, en Mai 1915, les français réussissent à "mordre" sur la partie sud de l’ouvrage et investissent Neuville et la Targette mais le plus dur va être l’attaque frontale sur l’ouvrage, justement dénommé "le labyrinthe", par les troupes montant du sud et du sud-est ; c’est là que se trouve René dès le 30 Mai 1915.

Cet ensemble d’opérations présentera de grosses difficultés car de nombreuses batteries allemandes, du 77 au 280 et même au 305, peuvent concentrer leurs feux sur les lignes. Il y en a à Givenchy, à la Folie, à thélus, à Farbus et même à Beaurains au sud d’Arras. Le 30 mai est fixé une première attaque qui fera 150 prisonniers ; puis du 30 mai au 17 juin la lutte continuera jour et nuit dans la fournaise du Labyrinthe."Soutenue par des préparations d’artillerie médiocres, armés de pétards et de grenades rudimentaires, chaque bataillon, chaque compagnie, chaque section, progressèrent quand même, boyau par boyau, déplacèrent des barricades minées, conquirent ce terrain pied à pied au prix de pertes cruelles. Pendant 42 jours, malgré les fatigues, la soif, les bombardements de gros calibres, les pertes, les difficultés de ravitaillement, l’impossibilité d’évacuer les blessés, les hommes affirmèrent une ténacité sans exemple, un esprit offensif merveilleux. Il convient de citer particulièrement les attaques devant Roclincourt où toutes les compagnies à tour de rôle s’illustrèrent, les opérations du pont C et de la barricade 500"(Historique du 25e RI).

L’attaque du LabyrintheEnfin le 19 juin le labyrinthe est en parti conquis. Le régiment de René est relevé le 24 Juillet, les pertes françaises ont été lourdes lors de cette attaque puisqu’elles sont évaluées à 2000 hommes ; les pertes subies par le seul 25e régiment étaient de 1300 hommes. Chaque épisode de cette guerre semble devoir nécessiter un miracle pour rester en vie et René s’en sort une nouvelle fois. Le bilan de l’action en terme de terrain conquis se chiffre peut-être en une poignée de kilomètres....

René prend des vacances ! mais attention, il ne faut pas exagérer..... 10 jours de repos à Cheminon dans la Marne.

Le 13 Août, son régiment est envoyé précipitamment au bois de la Gruerie où il va relever des éléments de la 15e division d’infanterie coloniale en plein combat. Ce bois se trouve dans les forêts d’Argonne où se battent depuis sept mois, des régiments épuisés. En face d’eux se trouvent l’armée du Komprinz (le prince impérial) qui s’est retranchée dans la forêt d’Argonne après sa retraite au lendemain de la bataille de la Marne. La nature du terrain (des sous-bois) va augmenter les difficultés et permettre d’intensifier l’acharnement des combats. "Le sol de cette forêt est d’une humidité carac­téristique ; les sources y jaillissent partout, jus­qu’au sommet des crêtes, et le terrain d’une argile épaisse retient prisonnières, sans aucune issue, les eaux qui ruissellent de toutes parts ; aussi le moindre trou se change t-il en puits de boue, la moindre dépression en marécage. Pour que les sentiers forestiers ne soient pas impraticables, il faudra les « parqueter » d’une couche de rondins ; quant aux tranchées, il faudra sans cesse vider l’eau qui s’y accumule"."La vallée de la Biesme coupe la forêt à peu près du sud au nord ; mais, à droite et à gauche de cette dépression, s’ouvrent des ravins à pente raide, aux berges escarpées, créant de nouvelles difficultés aux combattants et nécessi­tant, à travers les obstacles, des tranchées en zigzag, au tracé particulièrement capricieux et compliqué."

L’état-major allemand veut réussir à passer dans ce secteur pour atteindre la route Sainte ­Menehould - Verdun et menacer la voie ferrée. Il y emploie des moyens puissants et n’hésite pas à utiliser les gaz qui stagnent longtemps dans les sous-bois. Pourtant, lorsque René et son régiment arrivent dans ce bois, qui a été rebaptisé "bois de la tuerie" par les poilus, les combattants ont été si durement éprouvés de part et d’autre que l’intensité des combats à sérieusement décrue. L’ennemi vient pourtant de porter une attaque violente et se montre agressif dans de nombreux combats de boyaux mais l’expérience acquise dans le labyrinthe permet à René et ses camarades d’interdire l’accès du ravin de la Houyette et donc l’accès à la vallée de la Biesme. Sans doute maté par cette résistance, l’ennemi s’en tient à une défense passive dès le milieu de Septembre."Pendant tout l’hiver, le régiment organise son secteur, à l’abri de hautes futaies qui masquent les travailleurs, sans relâche, malgré le froid, la boue, les concentrations de feu, il transforme ce coin d’Argonne en une organisation défensive de 1er ordre" (historique du 25e régiment). Pour René ce sera d’ailleurs seulement une partie de l’hiver car il va quitter le 25e régiment le 30 Décembre 1915 pour être affecté au 70e régiment d’infanterie. Nous ne connaissons pas la raison de ce changement ; peut-être a t-il quitté le front pour raison de santé et s’est vu affecté ailleurs, une fois rétabli, comme cela semblait se pratiquer couramment.

A présent René n’est plus un "bleu" mais un soldat aguerri par les combats du labyrinthe ; il aura bien besoin de cette expérience pour continuer à tenir dans la suite des évènements que nous explorererons bientôt.

[1] Historique du 25e RI